Promesses sacrées, épidémies oubliées : la Vierge du Calvaire de Moissac

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Vierge du calvaire Moissac_Crédit photo EBO
Vierge du calvaire Moissac_Crédit photo EBO
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Au cœur de l’année 1859, le monument de la Vierge du Calvaire se dresse pour immortaliser un vœu formulé en 1628, lors de la grande épidémie de peste. Depuis lors, la Vierge est devenue la patronne de Moissac. Mais qu’évoque ce vœu ? Grâce aux efforts de Gilles Barrachin, ancien agent de la sous-préfecture de Castelsarrasin, qui a minutieusement analysé les délibérations du conseil municipal datant de 1574 jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, nous pouvons retrouver ce vœu. Préparez-vous pour un voyage temporel ! Pas de besoin de passeport, c’est écologique et gratuit.

Bienvenue à Moissac, une ville aux racines profondes où se déploie une histoire mémorable, une épopée de foi et de promesses tissée dans l’ombre du passé. Ensemble, partons pour le XVIIe siècle, une période où la peste sévissait durement, et où la Vierge et un vœu devenaient un phare d’espoir pour cette communauté pieuse.

En 1628, alors que la peste répandait son ombre, les prières se dressaient comme un éclat dans la noirceur. Les consuls et les chanoines de l’abbaye Saint-Pierre se tournaient vers la Vierge Marie, saint Cyprien et saint Roch, implorant leur intercession pour mettre fin à ce fléau sinistre. Ils firent alors un vœu, promettant de célébrer messes et processions en l’honneur de ces saints protecteurs. Saint Cyprien, évêque de Carthage, devint le saint patron de Moissac. Le jour de sa fête serait désormais férié, avec une lampe perpétuellement allumée dans la chapelle qui abrite ses reliques. De plus, une châsse en argent serait fabriquée pour les accueillir : « Et de plus, nous, chanoines et consuls susmentionnés, pour exprimer notre reconnaissance envers Monseigneur l’Evêque de Cahors, pour reconnaître Saint Cyprien comme notre patron particulier, intercesseur et avocat auprès de Dieu dans toutes nos nécessités, publiques et privées, nous engageons dorénavant à allumer une lampe devant l’autel où reposent ses précieuses reliques. »

Le temps passa, les épidémies s’estompèrent, mais la foi demeura intacte. En 1652, alors que la peste revenait hanter la ville, le vœu fut renouvelé. Une châsse d’argent fut forgée pour les reliques de saint Cyprien, gravant la promesse dans le métal et laissant une empreinte pour les générations futures. Bien que la châsse ait été réceptionnée le 2 septembre 1652, des résolutions datant de 1649 attestent des avances financières faites à l’orfèvre Brouchon de Toulouse. Le texte du vœu de 1628 fut consigné dans un registre de notaire le 10 septembre, en annexe du procès-verbal de prise en charge de la châsse par les consuls.

La Peste et les Testaments

La vierge du calvaire restaurée_Crédit photo EBO
La vierge du calvaire restaurée_Crédit photo EBO

Les archives nous dévoilent aussi les mesures prises pour endiguer les épidémies : des gardes surveillant les rivières pour stopper la propagation, des contrôles aux portes de la ville, des précautions pour les voyageurs. La ville luttait contre la contagion avec acharnement.

Des testaments du XVIIe siècle nous éclairent sur la vie en temps de crise. Les malades, luttant pour survivre, cherchant à léguer ce qui leur restait, montrant la vie à travers une lentille fragile. Certains font part de leurs dernières volontés en raison du « fléau de la contagion », ou parce qu’ils sont « atteints de la maladie contagieuse ». Les notaires recueillent les testaments avec prudence, que ce soit en ville, en banlieue ou à la campagne. Par exemple, le 10 octobre 1628, Me Delbès se rend dans la grand-rue de la porte St-Jacques au port de Tarn pour enregistrer les dernières volontés de Jean Laniès, « appuyé sur le tablier de la boutique grange des héritiers à feu Pierre Delpech ». Hélise de Lacoste, touchée par la maladie contagieuse, donne ses instructions depuis une petite fenêtre de la métairie de Pierre Delpech à la Prade del Pez. Raymond Mauret et Lisette Danis accueillent le notaire « au pontet du fons de la côte St-Laurent autrement de Joncayrolles… ». Même Pierre Pignardou, chirurgien, énonce ses ultimes dispositions depuis une hutte couverte de paille dans le faubourg Guilarand.

Le Souffle de la Foi

Ils expriment également leurs souhaits pour leur sépulture. Jean Deltilh souhaite que son corps soit enseveli « où il plaira à Dieu ». Charles Bonnet de Saint-Julien, le chirurgien Pignardou, Lisette et Ramond Mauret, ainsi que Jean Laniès, désirent être inhumés en « terre sainte », c’est-à-dire au cimetière. Cérène de Gilhiac souhaite reposer « au tombeau de ses prédécesseurs ».

Les habitants de Moissac traqués par la peste lèguent ce qu’ils peuvent. Sans enfants, infirmes et tous deux pestiférés, Ramond et Lizette Mauret n’ont rien à transmettre, si ce n’est une requête à leur « bien-aimé cousin », Guillaume Delbussou, marchand de Moissac, pour veiller à leur inhumation au cimetière Saint-Michel. Pour Jean Delthil, laboureur de Montescot, la situation est dramatique : il est contaminé, veuf et sa fille est bien jeune. Il désigne cette dernière comme héritière, priant son beau-frère de veiller sur elle. En revanche, Hélise de Lacoste déshérite ses fils, Jacques et Guillaume Delpech, à cause de leurs ingratitudes envers elle.

Le testament de Jean Delpon, datant du pic de l’épidémie en août 1628, retient l’attention. Bien qu’il se dise en bonne santé, il prend des précautions particulières, étant retenu dans la « boticque » du notaire.

Finalement, en 1859, la Vierge du Calvaire se dresse comme un monument pour perpétuer ce vœu ancien, rappelant la profonde foi de la communauté dans les moments sombres. Les épidémies s’estompent, mais la Vierge demeure, témoin silencieux de l’engagement envers le divin.

Cependant, pourquoi cette Vierge et ce vœu ? Le mystère demeure, enfoui dans les recoins de l’histoire et de la foi, un témoignage d’une époque où la foi était un bouclier contre l’adversité. L’histoire de Moissac, telle une mélodie ancienne, continue de résonner à travers les courants du temps, rappelant que même au cœur des épidémies, l’espoir et la foi ne s’éteignent jamais.

Sources : archives municipales, archives départementales, archives notariales

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EBO
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