
Les bottes résonnent sur les dalles anciennes. Dans le silence respectueux du cloître de l’abbatiale Saint-Pierre, le capitaine Adrien s’apprête à transmettre le commandement de la 973e compagnie d’appui au déploiement opérationnel. Trois années à la tête de cette unité d’élite, bientôt confiée au capitaine Hubert. La 973e est réunie, et Moissac, ville jumelée avec la CADO, assiste en témoin bienveillant.
Ce mardi 10 juin, au cœur de ce monument millénaire, une page s’est tournée dans la discrétion de la pierre et la solennité militaire. Un passage de flambeau, des mots simples, des regards lourds de sens. Et au-delà des grades, des hommes et des femmes unis par une même volonté : bâtir, transmettre, servir.
Trois années de commandement et un lien forgé
C’est dans ce même cloître qu’il y a mille ans, d’autres bâtisseurs posaient leurs pierres avec la même exigence de durée. Ce mardi, le parallèle s’est imposé naturellement. Le colonel Blaise Seguin l’a résumé en une phrase : « Il y a 1000 ans, on construisait ce cloitre avec d’autres sapeurs bâtisseurs qui ne ressemblaient pas aux nôtres, mais qui avait cette foi chevillée au corps de construire durablement. C’est peut-être le sens de cette compagnie qui construit dans la difficulté, dans les contraintes militaires et qui construit pour longtemps.»
Durant trois années, le capitaine Adrien a incarné cette mission. À la tête de la 973e CADO, il a vu défiler les chantiers et les hommes, les délais courts et les nuits longues, les imprévus techniques et les réussites collectives. En métropole comme à l’étranger, la compagnie a multiplié les opérations : réhabilitation de bâtiments à Mourmelon, infrastructures d’entraînement à Caylus et Draguignan, villages de combat, installations urbaines, complexes de tir. À chaque fois, une précision millimétrée. À chaque fois, une équipe qui avance ensemble.
Mais le terrain ne fait pas tout. Le capitaine Adrien, c’est aussi un style de commandement. Proche, franc, exigeant, humain. Son discours le reflète : « À la fin de mon temps de commandement, j’avais 167 enfants. Sans compter ceux de la maison », lâche-t-il avec un sourire complice. Un trait d’humour vite suivi d’un hommage appuyé à ses sapeurs, à ses chefs de section, à sa famille. Puis viennent ses deux derniers conseils : « Imposer son rythme. Et ne jamais oublier que seules deux choses vous limitent : votre CV et votre imagination. »
À travers ses mots, c’est toute une génération de bâtisseurs qu’il encourage à oser, à s’affirmer, à inventer.





Une passation humaine avant tout
Le capitaine Hubert n’a pas cherché à masquer son émotion. S’il prend officiellement les commandes de la 973e CADO, il sait qu’il hérite bien plus qu’un fanion. « Tu n’as pas seulement commandé cette compagnie, tu l’as portée, façonnée, accompagnée. Peu peuvent s’en vanter », a-t-il déclaré à l’attention de son prédécesseur.
Avec une touche d’ironie, il a lancé : « Oui Adrien, tu étais le plus beau, le plus fort, le plus brillant… comment passer après toi ? » Mais très vite, le ton redevient sincère et engagé : « Je ne mesure peut-être pas encore toute la puissance opérationnelle de cette unité, mais j’ai à cœur de la connaître et de la faire mienne. »
Le nouveau capitaine promet de continuer à faire vivre l’âme de cette compagnie rustique, toujours prête à intervenir à très court préavis, « résiliente, passionnée et forgée à la dure ».
Et dans un clin d’œil aux lieux, le capitaine Hubert confie sa joie de prendre son fanion « dans un lieu magnifique, mais surtout qui a du sens pour cette compagnie en particulier ». Il poursuit, plus solennel : « Une abbatiale, un cloître, d’une solidité à toute épreuve, traversant les âges, construit à la fois pour être imprenable par l’ennemi et pour rendre grâce à quelque chose de supérieur à l’homme. »
Avant de conclure, comme un vœu partagé avec ses sapeurs : « Puissent ces lieux aujourd’hui imprégner nos âmes de sapeurs bâtisseurs, pour que demain, nous construisions des merveilles. »



Le pacte entre Moissac et la CADO renouvelé
Le lien entre la 973e CADO et Moissac ne date pas d’hier. Depuis plusieurs années, un pacte de jumelage unit la compagnie à la commune. Ce mardi, il a été officiellement renouvelé, autour d’une signature symbolique réunissant le capitaine Hubert et le maire Romain Lopez. « Ce lien armée-nation, dans le contexte actuel, prend tout son sens », a souligné le capitaine Adrien.
Ce partenariat n’est pas qu’institutionnel : plusieurs sapeurs ont pu s’ancrer localement à Moissac, y fonder une vie, s’y établir durablement. « C’est une base arrière essentielle pour partir en mission sereinement », confiait le capitaine Adrien.



Une cérémonie ponctuée de décorations et d’hommages
Deux sapeurs ont été mis à l’honneur : le sergent Alexa et le sergent Valentin. Leur engagement, notamment à Mayotte après le cyclone, a illustré la capacité d’adaptation de la compagnie, même dans l’urgence et à des milliers de kilomètres. « Ce sont des pépites d’excellence », a insisté le colonel Seguin.
Ce dernier a également remis la médaille régimentaire au capitaine Adrien, saluant « un chef qui commande avec le cœur, dans la maîtrise et la sérénité ».
Une ville qui écoute… et chante
Enfin, après la cérémonie dans l’intimité du cloître, la compagnie a défilé sur le parvis de l’abbatiale. Les habitants de Moissac, commerçants, touristes et pèlerins, se sont arrêtés pour regarder passer les hommes du 31e, guidés par leur nouveau capitaine. La Strasbourgeoise, entonnée à pleine voix, a suspendu le temps. Un moissagais, sourire aux lèvres, a soufflé : « Quand est-ce qu’ils reviennent chanter ? »
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