
Ce 20 mai 2025, dans les salons de la préfecture, s’est déroulé un acte apparemment modeste, presque discret : la signature d’une convention entre l’Office National des Combattants et Victimes de Guerre (ONaC/VG) et la section départementale de l’Association Nationale des Membres de l’Ordre National du Mérite (ANMONM). Pourtant, au-delà des paraphes, des discours officiels et des poignées de main, ce moment porte en lui une ambition essentielle : faire de la mémoire un levier de transmission, de cohésion et de citoyenneté.
À l’heure où les repères vacillent, où l’information s’efface dans le tumulte de l’instantané, il est vital de poser les fondations d’un récit commun. Non pas un récit nostalgique, figé dans la pierre des commémorations, mais un récit vivant, incarné, porté par des voix qui savent encore dire pourquoi il est urgent de se souvenir. Pas pour pleurer les héros passés, mais pour éclairer les consciences présentes.
Monsieur le Préfet, Vincent Roberti, a ouvert la cérémonie en soulignant l’importance de cette démarche : « Même si l’actualité est ailleurs, ce moment est essentiel. Car il s’agit de transmettre des valeurs — mémoire, civisme, engagement — à toutes les générations. Dans un monde troublé, cette mission est plus que jamais d’actualité. »
Devoir de mémoire, devoir de transmission
On évoque souvent la « deuxième mort » des combattants : celle de l’oubli. Contre cette fatalité silencieuse, des institutions comme l’ONaC/VG et l’ANMONM agissent avec constance et humilité. Leur engagement ne se résume pas à honorer des tombes ou à organiser des cérémonies. Il consiste à faire œuvre de pédagogie, à transmettre un héritage, à entretenir la flamme.
Cette convention triennale est donc bien plus qu’un texte administratif : elle est un pacte moral entre générations. Elle engage ses signataires à organiser ensemble des actions éducatives, culturelles et commémoratives. À entrer dans les écoles, à dialoguer avec les élèves, à faire œuvre de mémoire, non par injonction, mais par incarnation. « Reconnaître, réparer, transmettre : tel est notre triple mission, et cette convention s’inscrit pleinement dans cet esprit, » a rappelé Aline Simon, directrice départementale de l’ONaC/VG.


Des jeunes acteurs, pas spectateurs
Ce qui frappe dans ce type d’initiative, c’est le rôle confié à la jeunesse. Non pas comme destinataire passif, mais comme acteur à part entière. Les projets qui en découleront — concours scolaires, théâtre engagé, rallyes citoyens, productions numériques — permettront aux élèves de s’approprier l’histoire autrement que par les manuels. En rencontrant des témoins, en interrogeant les silences, en créant eux-mêmes les supports du souvenir, ils tissent un lien direct, presque charnel, avec les valeurs fondatrices de notre société.
Pour Érick Lebrun, président de l’ANMONM82, ce partenariat représente « une étape majeure dans notre engagement commun envers ceux qui ont sacrifié leur jeunesse pour défendre la France. » Il insiste sur la nécessité de transmettre cet héritage : « Notre action collective doit continuer à faire de leur sacrifice un exemple vivant, une source d’inspiration pour les générations à venir. »
Dans le département du Tarn-et-Garonne, riche d’une histoire militaire ancienne et d’un tissu associatif particulièrement mobilisé, le terrain est fertile. Il y a ici, à la fois, une mémoire à transmettre et une jeunesse à éveiller. Cette alchimie, si elle est soutenue, peut devenir un creuset d’engagement.
Le mérite comme devoir
On parle trop peu de ceux qui, après avoir été distingués par l’Ordre National du Mérite, choisissent de redonner, de servir, de transmettre. Or c’est bien cela qui donne sens à la distinction. Comme le rappelait avec justesse Monsieur le Préfet : « Être décoré, ce n’est pas seulement une reconnaissance. C’est une responsabilité. »
À une époque où les mots « mérite » et « engagement » semblent parfois désuets, cette alliance entre une institution d’État et une association de décorés rappelle que notre cadre civique commun ne vit que par ceux qui le font vivre. Que le sens du collectif n’est pas une option. Que la reconnaissance doit se prolonger en action.
Une mémoire en acte, non en vitrine
Il ne suffit plus de commémorer. Il faut éduquer. Il ne suffit plus d’honorer. Il faut impliquer. Car la mémoire n’a de sens que si elle débouche sur une conscience active, sur une volonté de faire société. Elle ne peut rester cantonnée aux cérémonies ou aux plaques de marbre. Elle doit infuser les débats, irriguer les esprits, guider les choix.
Dans un monde saturé de récits éclatés, il est salutaire de s’appuyer sur des valeurs communes, sur des figures inspirantes, sur des exemples de courage et de désintéressement. C’est à cela que s’attèle cette convention. C’est en cela qu’elle nous concerne tous.
Un idéal commun en quête de souffle
Au fond, ce partenariat local dit quelque chose de plus large : il témoigne d’un désir de renouer avec un idéal collectif fondé sur l’engagement, la solidarité et la transmission. Non plus seulement depuis les tribunes politiques, mais depuis les territoires, les écoles, les associations, les préfectures. Là où le lien civique se noue, ou se défait.
C’est en associant les anciens et les jeunes, les institutions et les citoyens, que l’on peut faire vivre une mémoire partagée. Et c’est en redonnant du sens aux mots « mémoire », « engagement », « civisme », que l’on permettra à notre société de retrouver, peut-être, une part de son souffle.
Souvenons-nous donc. Non pour répéter. Mais pour construire. Ensemble.
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