
Il est 18h30, la nuit est déjà tombée sur le quartier Marescot. Sur la place d’armes, les rangs sont en place. Tout est net, précis, millimétré. Les gestes sont synchronisés, les regards fixes. On pourrait presque parler de chorégraphie. Ici, rien n’est laissé au hasard.
Ce jeudi 11 décembre, le 31e régiment du génie célèbre Sainte-Barbe, sa sainte patronne. Une cérémonie attendue, qui n’a rien d’un simple rendez-vous protocolaire : elle vient aussi clore les Jeux de Sainte-Barbe, ces épreuves maison qui mettent à l’honneur l’engagement, la cohésion et le savoir-faire du sapeur. On s’y dépasse, on s’y jauge, on s’y serre les coudes. Et le soir venu, on se retrouve, ensemble, pour refermer cette parenthèses avec ce que l’armée sait faire de mieux : de la tenue, du sens, et du collectif.
Une ouverture millimétrée sur la place d’armes
La cérémonie s’ouvre dans une rigueur impeccable. Les façades au fond de la place d’armes s’illuminent : des projections de lumière y dessinent les emblèmes du régiment. Le colonel Basile Caire, chef de corps du 31e régiment du génie, passe les troupes en revue. L’alignement est parfait, les pas claquent juste, les positions ne bougent pas. Une précision qui ressemble à du calme, mais qui raconte surtout une exigence : celle du métier, et celle du régiment.
Quelques instants plus tard, les autorités civiles et militaires font leur entrée sur la place d’armes. Parmi elles : Pierre Bressolles, sous-préfet de l’arrondissement de Castelsarrasin, Jean-Philippe Bésiers, maire de Castelsarrasin, Marie Castro, vice-présidente de la Région Occitanie, et Aline Simon, directrice départementale de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre du Tarn-et-Garonne.
La Marseillaise retentit. Chantée sur la place d’armes, elle prend une autre épaisseur : une solennité simple, sans effets, qui remet chacun à sa place. Le moment est bref, mais il fixe l’atmosphère.











Le colonel Caire : « Donner sens à nos missions »
Vient ensuite le temps de la parole, celui qui relie la cérémonie à ce qu’elle signifie vraiment. Dans son ordre du jour, le colonel Caire rappelle d’emblée que Sainte-Barbe n’est pas une tradition décorative. C’est un repère. Un lien vivant. « Sainte Barbe jalonne, d’année en année, ce lien qui nous unit au glorieux passé de nos anciens et donne sens à nos missions », souligne-t-il devant les rangs.
Il rappelle aussi la nature particulière de ce rendez-vous : un moment de bilan, parfois avec « humour », parfois avec « gravité ». Et, surtout, un moment où l’on remet au centre la vocation du soldat. En évoquant la figure de Sainte-Barbe, fidèle à sa foi jusqu’à la mort, le chef de corps appelle chacun à retrouver le sens du collectif : « Que cette fidélité éclaire et conforte le sens de notre vocation de soldat et de sapeur afin que nous sachions toujours placer le bien commun devant nos aspirations individuelles.»
Car 2025 n’a pas été une année de routine pour le 31. « Le régiment a prouvé une fois de plus sa réactivité et son professionnalisme », affirme le colonel, en rappelant les engagements opérationnels menés sur plusieurs fronts : missions de réassurance sur le flanc Est aux côtés des alliés, opérations au Proche et au Moyen-Orient dans un contexte sécuritaire dégradé, mission Sentinelle sur le territoire national. Le régiment a également été engagé en Outre-mer : en Guyane, avec la lutte contre l’orpaillage illégal, et à Mayotte, en appui aux populations touchées par des catastrophes naturelles. Cette accumulation de terrains différents dit la même chose : une capacité d’adaptation permanente, et une disponibilité immédiate.
Mais le cœur du discours, celui qui resserre la gorge et redresse les épaules, arrive quand le colonel revient à la mémoire. Il rappelle les 18 officiers, 43 sous-officiers et 307 militaires du rang morts sous les plis du drapeau du 31e régiment du génie. Enfin, le colonel fixe le cap. Non pas une promesse vague, mais des priorités concrètes. Il appelle les sapeurs d’Afrique du 31 à « s’ancrer dans la culture de l’urgence » pour être prêts à s’engager « dès ce soir », à consolider une crédibilité fondée sur « la compétence, l’agilité, la rigueur » et à s’appuyer sur une chaîne de commandement où l’autorité sert à faire grandir. Un programme exigeant, qui n’a rien d’un slogan et qui assume la rudesse des temps qui viennent.
Reconnaître l’engagement
La cérémonie se poursuit par la remise de récompenses. Et surtout, par l’attribution de deux médailles militaires à des sapeurs d’Afrique du 31, distinction rare et respectée, souvent qualifiée de « Légion d’honneur des sous-officiers et militaires du rang ».






Quand la tradition prend corps
Puis une silhouette traverse la place d’armes : une jeune femme déguisée en Sainte-Barbe, accompagnée de porteurs de flambeaux. La scène est brève, mais elle frappe. Elle donne chair à la tradition, elle la rend présente. Elle rappelle qu’au-delà des grades et des missions, il y a aussi des symboles, transmis, repris, incarnés.
Le feu d’artifice, tiré par la compagnie EOD du régiment, vient ensuite. Les détonations résonnent, les gerbes lumineuses éclatent. Un moment spectaculaire, mais maîtrisé. À l’image du génie.
La rigueur jusqu’au dernier pas
La cérémonie s’achève par un défilé militaire. Pas cadencés, lignes impeccables, rythme maîtrisé : dernier mouvement d’une semaine intense, commencée dans l’effort des Jeux, poursuivie dans le cérémonial, conclue dans la fierté collective.
À Castelsarrasin, cette Sainte-Barbe n’a rien d’un rituel figé. Elle est vécue. Elle est tenue. Elle est précise et fraternelle. Elle dit ce que le 31e régiment du génie veut montrer de lui-même : une unité ancrée dans ses traditions, lucide sur ses missions, et fière de ce qu’elle porte. Et quand la place d’armes retrouve son calme, il reste une impression nette : celle d’avoir assisté à un moment de régiment, complet — du jeu à la mémoire, de la lumière au silence.
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