Moissac. Les rogations reprennent vie au rythme des anciens tracteurs

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Rogations tracteurs anciens Moissac_JDJ
L’abbé Pierre Hoan, à l’arrière d’un tracteur ancien lors des rogations à Moissac, porté par une tradition où les agriculteurs sont au cœur des prières. JDJ
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Par une aurore douce et dorée, les champs du Tarn-et-Garonne se sont vus traversés par une procession singulière : celle de vieux tracteurs, vrombissant comme un écho d’antan, porteurs d’un message de foi et de mémoire. À Moissac, le temps d’une journée, les rogations ont retrouvé leur souffle.

De Barry-d’Islemade à Moissac : le départ d’un pèlerinage unique

Ils étaient douze, au départ, à quitter Barry-d’Islemade (Association Barry Tracteurs Passion) dans la lumière pâle du matin, leurs tracteurs anciens chahutant doucement le silence rural. Ils portent en eux autre chose que de la mécanique : une mémoire, une fidélité, un souffle ancien.  Leur destination : Moissac et son abbaye, majestueuse sentinelle de pierre, témoin millénaire d’une foi enracinée. Et plus loin encore, seize églises rurales. Une procession. Un pèlerinage. Les rogations.

Tracteurs, croix et prière : un sillon spirituel à travers les campagnes

Sur le parvis de l’abbatiale, les préparatifs s’animaient déjà. Les paroissiens installaient une croix de vivres, les voix de la chorale wallisienne s’échauffaient, et les bénévoles s’affairaient, les bras chargés, les visages déjà tournés vers le jour à venir. À 8h, ils sont seize tracteurs désormais. Alignés comme une colonne paisible, prêts à reprendre une tradition presque oubliée.

À 8h30, l’abbé Pierre Hoan les bénit. Une prière murmurée au milieu des moteurs. Et le convoi s’élance. Ils roulent doucement. Pas besoin d’aller vite. Commence alors un pèlerinage à nul autre pareil. Ils traversent les rues, les champs, les villages : seize églises visitées au fil d’un itinéraire champêtre, bordé de regards curieux, de mains levées, et de souvenirs éveillés.

Une femme s’étonne : « Je n’ai jamais vu cela », tandis qu’Annie, Moissagaise depuis toujours, laisse remonter les images d’un temps révolu. Elle sourit. Ses yeux brillent.
« Je suis née en 1952. À l’époque, les rogations se faisaient à pied. On avançait lentement. On prenait le temps. Le prêtre, les enfants de chœur, les familles parcouraient les champs le lundi, mardi, mercredi, pour bénir les récoltes, les bêtes, la terre… Puis le jeudi de l’Ascension, on se retrouvait tous à la messe. » C’était une procession lente, humaine.

Aujourd’hui, les pas d’autrefois ont laissé place aux roues, mais l’esprit demeure. Là où il y avait un prêtre pour chaque village, il n’en reste qu’un pour seize églises. Alors, on s’organise autrement. Mais on n’oublie pas. Avions, motos, vieilles voitures… Cette année, ce sont les tracteurs qui portent la prière. Une manière d’aller au-devant des églises de campagne, mais aussi de replacer l’agriculture au cœur de la prière.

À midi, pause à Montesquieu. Les paroissiens ont préparé un repas. Du simple, du bon, du vrai. On rit, on mange, on échange. Puis, on repart. Le soleil est là, haut, généreux. Tout au long du parcours, les gens attendent. Certains au bord de la route, sur le seuil d’une église, au bord d’un champ, parfois autour d’une table dressée avec des objets, offerts à la bénédiction.

Un final à l’abbatiale

À 17h45, le cortège est revenu à Moissac. Ceux de Barry-d’Islemade partent plus tôt, la route est longue. Benoît Boué, l’agriculteur de Montesquieu qui a coordonné les tracteurs et le parcours, souffle, ému : « C’est un an de travail. Mais quelle journée… C’est une vraie satisfaction. »

Le soir tombe doucement. À 18h30, l’abbatiale s’ouvre à nouveau. Les bancs se remplissent. Les visages sont calmes. On y sent quelque chose de profond. Les offrandes des agriculteurs sont bénies. Les chants montent sous les voûtes anciennes. Il y a de la gratitude dans l’air. Et quelque chose comme un silence plein portant l’espérance d’une terre féconde et d’une humanité réconciliée.

Dans un monde pressé, souvent distrait, où l’on dialogue davantage avec des écrans qu’avec les saisons, ce moment suspendu à Moissac rappelle une chose essentielle : l’homme n’est jamais si proche de lui-même que lorsqu’il honore ses racines.
Et si les rogations renaissent aujourd’hui, ce n’est pas seulement par fidélité à la tradition, mais pour redonner un sens, une voix, une âme à nos campagnes. Un pas de plus vers l’autre, vers le ciel, et vers la terre.

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EBO
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