Alors que la plupart des centrales nucléaires françaises étaient initialement prévues pour une durée de vie de 40 ans, comment augmenter le niveau de sûreté des réacteurs nucléaires au-delà ? Cette question cruciale se pose pour vingt installations du parc français d’autant que l’exploitation est aujourd’hui envisagée jusqu’à 60 ans. La prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires est essentielle pour l’avenir énergétique du pays, d’où l’importance de débats publics sur ce sujet.
Jeudi 13 juin 2024, le cas des réacteurs Golfech 1 et 2 a été abordé à la salle des fêtes de Donzac lors d’une concertation publique. Parmi les soixante-dix participants se trouvaient des associations, des élus, des personnes ayant travaillé dans le nucléaire et quelques habitants des communes limitrophes. Cependant, la participation des jeunes était faible.
« La centrale est plus sûre aujourd’hui qu’à sa construction »
Cette concertation, placée sous l’égide du Haut Comité pour la Transparence et l’Information sur la Sécurité Nucléaire (HCTISN), de la commission locale d’information (CLI) de Golfech et d’EDF, est pourtant essentielle pour les années à venir. Elle interroge sur les conditions de sûreté de la poursuite d’exploitation par EDF des deux réacteurs de 1 300 MW de Golfech, lorsque ceux-ci dépasseront 40 ans de service.
Cette consultation porte sur la phase dite « générique » du processus du 4e réexamen périodique auquel devra se soumettre chaque réacteur de Golfech pour passer le cap des 40 ans en 2032. Les réexamens périodiques, réalisés tous les 10 ans par EDF, visent à réévaluer le niveau de sûreté de ces installations à la lumière des retours d’expérience. « La centrale est plus sûre aujourd’hui qu’à sa construction », explique Hervé Bodineau de l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) qui compte 1700 ingénieurs experts. Effectivement, un grand nombre de contrôle de maintenance sont effectués chaque année à Golfech, 24 inspections pour 2023, indique Cyril Hisbacq, directeur de la centrale.
2500 personnes mobilisées, 31 000 activités de contrôle et 79 modifications des installations
Le réacteur 1 de Golfech a terminé sa troisième visite décennale le 14 janvier 2024, mobilisant 2 500 salariés d’EDF et d’entreprises partenaires. Cette opération a impliqué 31 000 activités de contrôle et 79 modifications des installations. Parmi les mesures prises, le remplacement préventif de 18 mètres de tuyauteries sur les deux réacteurs visait à éviter le risque de corrosion sous contrainte observé sur les installations de même type. Le contrôle du circuit primaire principal, de la cuve et de l’enceinte du réacteur a été central dans ce processus réglementaire car « si pratiquement tout est changeable, seuls la cuve et l’enceinte du réacteur ne peuvent l’être », a expliqué Fabrice Ravanas, représentant d’EDF. L’examen du réacteur 2 est prévu pour 2025.
« Nous ne sommes plus sur un schéma d’arrêt de réacteur »
Mais le débat n’était pas de dire s’il fallait prolonger ou non car « Nous ne sommes plus sur un schéma d’arrêt de réacteur » a déclaré Fabrice Ravanas rappelant la volonté nationale de relancer le nucléaire et le projet de construction de deux EPR sur Golfech. L’enjeu porte plutôt sur « la conformité de l’installation et la réévaluation de sa sûreté pour lesquelles il y a un réexamen tous les dix ans », appuie Paul De Guibert, de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En effet, l’objectif de ce quatrième examen qui comporte, à ce jour plus de 200 modifications, est « d‘être sur le même niveau de sureté que les EPR », réacteurs de troisième génération indique Fabrice Ravanas.
Température et débit de l’eau : deux sujets d’enjeu
La baisse du niveau des rivières, l’augmentation des températures et la pollution des eaux sont autant de défis climatiques croissants auxquels les installations nucléaires doivent faire face, comme l’a souligné le public. Cyril Hisbacq a identifié la température et le débit de l’eau comme « deux sujets d’enjeu de sûreté ». Alimentée par la Garonne, qui peut atteindre des températures élevées de plus de 28 voire 29 degrés en période estivale, « la centrale a la capacité de fonctionner à cette température », dit-il. Le débit d’eau, quant à lui, est régulé par une retenue de dix millions de mètres cubes d’eau dans le réservoir de la Gimone, dans le Gers, dont EDF est propriétaire. « Lorsque le débit descend en période sèche, nous effectuons des lâchers », ajoute-t-il. Pour les températures extérieures, l’impact est limité, car le réacteur dispose de deux tours aéro-réfrigérantes l’occasion de rappeler que des centrales nucléaires sont installées dans des déserts. C’est le cas de la centrale de Palo Verde qui fonctionne au cœur du plus grand désert d’Amérique du Nord, le Sonora, dans une région sans cours d’eau permanent, où la température dépasse régulièrement les 40°C pendant la moitié de l’année.
Clarté, transparence et pédagogie
Après plus de trois heures d’échanges avec les différents interlocuteurs, un besoin crucial de transparence et de clarté de l’information pour la population a émergé. Les participants déplorent souvent de « voir dans la presse qu’il y a eu un problème » sans en comprendre la gravité réelle. De plus, trop peu de personnes sont correctement informées sur la distribution d’iode et son réapprovisionnement, plusieurs témoignant de ne pas en trouver dans les pharmacies, même dans un rayon de 20 km. L’alimentation en eau des centrales, sujet d’inquiétude pour le public, a également été largement discutée de même que les risques en cas d’accident pour la population et l’environnement.
Un compte rendu sera disponible sur le site https://concertation.suretenucleaire.fr.
Jusqu’au 30 juin, la concertation publique en ligne « Fonctionnement des réacteurs nucléaires après 40 ans : quelles conditions ? » se poursuit.
Cette concertation publique sur la sûreté des réacteurs nucléaires de Golfech, au-delà de leur durée de vie initiale de 40 ans, met en lumière les nombreux défis techniques et climatiques auxquels sont confrontées ces installations. La participation du public et la transparence des informations restent essentielles pour assurer la sûreté et la confiance dans le secteur nucléaire. Les prochaines étapes de cette concertation seront déterminantes pour l’avenir du parc nucléaire français.
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