
Ce lundi matin, dans le bureau du CIRFA de Montauban, les yeux de Gwendal se posent sur son contrat. Il s’apprête à changer de vie. Non loin de lui, Clémentine, silhouette sportive et regard déterminé, serre la main d’un recruteur : elle s’engage elle aussi. À travers eux, c’est toute une jeunesse qui dit oui à l’uniforme, au drapeau, à l’effort collectif.
Ils sont dix, âgés de 18 à 21 ans. Dix jeunes venus signer leur engagement dans l’armée de Terre, accompagnés pour certains de leurs parents, tant le départ est lourd de sens. Dès huit heures, le Centre d’Information et de Recrutement des Forces Armées (CIRFA) de Montauban les accueille, point de départ d’une nouvelle vie. À neuf heures, les premiers prennent le train pour rejoindre leur régiment.
Des parcours variés, des vocations affirmées
Deux d’entre eux s’engagent au sein du 1er Régiment du Train Parachutiste (1er RTP) à Cugnaux, où ils serviront en tant que combattants de la logistique et arrimeurs largueurs. Un autre rejoint le 5e Régiment d’Hélicoptères de Combat (5e RHC) à Uzein, en tant que combattant de l’aéronautique. Quant au 17e Régiment du Génie Parachutiste (17e RGP), il accueille plusieurs recrues, qui endosseront les rôles de combattants du génie, mécaniciens ou assistants administratifs. Gwendal, lui, prend la direction de Chaumont, où il intègre le 61e régiment d’artillerie. Son rôle : combattant du renseignement drone.
« J’ai regardé sur le site de l’armée pour trouver une spécialité qui me corresponde, raconte-t-il. Les drones, ça m’a tapé dans l’œil. J’en avais déjà eu, sans que ce soit une passion, mais je suis joueur de jeux vidéo… Alors ça m’a parlé. »
Son engagement est signé pour cinq ans. Une décision nourrie d’influences familiales : « Mon grand-père était militaire. C’est lui qui m’a orienté. » À ses côtés, sa mère confie son sentiment mêlé d’inquiétude et de confiance : « C’est mon fils aîné, et aujourd’hui est un jour particulier… Je le reverrai peut-être à Noël… »
« L’armée, c’est la suite logique » — Clémentine
Seule femme de ce recrutement : Clémentine, vient du CIRFA de Gap. Elle s’engage au 17e Régiment du Génie Parachutiste (17e RGP), un choix mûri, presque naturel pour cet ancien pompier volontaire.
« J’ai toujours été disciplinée. La vie en extérieur m’attire. Je fais déjà du tir sportif et du sport. Ces six derniers mois, je me suis entraînée intensément pour les tests physiques en faisant de la course à pied, de la course d’obstacles, de la montée à la corde », explique-t-elle avec assurance. Pour elle, l’armée est la continuité logique de son parcours, déjà imprégné de sens du service, d’esprit d’équipe et de respect de la hiérarchie. « Chez les pompiers, je vivais en caserne. La vie collective ne me fait pas peur. J’aime cette vie rythmée, cadrée. L’armée, c’est la suite logique. »
Avant ce jour crucial, chacun avait reçu, dix jours auparavant, une copie de son contrat pour vérification. L’engagement, d’une durée de un à cinq ans, implique une première phase de six mois pour faire leurs classes : un mois d’adaptation, suivi de dix semaines d’instruction initiale au métier de soldat. Ils apprendront ensuite leur métier.
« Il y aura des hauts et des bas » — Major Laurent
Avant leur départ, un dernier moment de rassemblement les attend. Un temps de transmission, où les jeunes engagés écoutent, en silence, les paroles fondatrices de ceux qui incarnent l’institution qu’ils s’apprêtent à rejoindre. Celles-ci marquent, par leur gravité, ce moment fondateur, à l’aube de leur engagement dans l’armée.
Le major Laurent, responsable du recrutement, ouvre la matinée par une allocution dans laquelle il souligne l’importance des défis à venir : « Les classes, c’est toujours un moment d’hésitation. Les moments de doute seront là. Il faudra faire des efforts pour durer le plus longtemps possible. » Mais au-delà des épreuves physiques, le major insiste sur les liens qui se forgeront, sur la fraternité et sur l’engagement pour le pays qui donneront sens à ces premiers pas dans l’institution : « Il y aura des hauts et des bas, mais vous y trouverez de la camaraderie, des liens de fraternité qui vont se développer… et surtout, vous retrouverez cet engagement pour le pays qu’il ne faudra pas oublier. »
« Le premier jour d’une nouvelle vie » — Colonel Christ
Après ces mots de soutien et d’encouragement, c’est au tour du colonel Christ, commandant de la base de défense de Montauban, de prendre la parole. Il enchaîne avec un discours marqué par la solennité de l’instant et la profondeur de la décision que chaque jeune vient de prendre : « Ce matin, c’est le premier jour d’une nouvelle vie qui s’ouvre devant vous. Vous avez signé, et cette signature vous implique, mais elle implique aussi votre famille, qui est une présence importante. »
La cérémonie, initialement prévue en plein air, a été déplacée en raison de la pluie. Un contretemps que le colonel Chris, transforme avec humour en symbole : « Comme on dit, mariage pluvieux, mariage heureux. » Un sourire parcourt les visages des recrues, un instant de légèreté avant de revenir à la réalité de l’engagement qu’elles ont choisi. « C’est un engagement fort envers l’unité que vous allez rejoindre. Cette unité que vous avez choisie vous attend. Ils fondent beaucoup d’espoirs en vous. Mais c’est aussi un engagement pour le pays, pour la nation. »
Pleinement conscient des exigences qu’impose le métier des armes, le colonel appelle chacun à faire preuve de courage et de constance : « Une nouvelle vie exigeante s’ouvre devant vous. Vous allez être challengés. Cela va vous demander une remise en question. Mais c’est une vie très passionnante. Vous apprendrez la discipline, ce qui fonde notre métier. Merci pour cet acte, et bon courage pour les périodes difficiles à venir. Seul, on ne peut rien. Ensemble, on peut tout. »
Il conclut son intervention par un mot d’encouragement : « Votre avenir est devant vous, votre carrière est dans vos mains, le champ des possibles est ouvert. »
Un parcours encadré, une sélection rigoureuse
Avant d’en arriver à ce jour crucial, chaque candidat a dû suivre un parcours jalonné d’étapes : tests médicaux, physiques, psychotechniques, entretiens individuels. Ceux-ci ont lieu à Bordeaux et durent de un à trois jours. L’armée prend en charge l’ensemble des frais de déplacement.
« Ils passent d’abord un test médical. Ensuite viennent les exercices physiques comme le Luc Léger, les tractions ou le tirage à la poulie. Puis les tests de français, d’anglais, de mathématiques, un test psychotechnique, de logique, et 200 questions de personnalité » résume le major Laurent. Pour ceux dont le niveau scolaire nécessite un appui, des partenariats existent : Pôle emploi, mission locale, ou réorientation vers un Service militaire volontaire (SMV) qui permet aux jeunes de 18 à 25 ans sans emploi d’apprendre un métier ou d’acquérir une expérience professionnelle.
Un nouveau départ, une fraternité à bâtir
Après la signature, un petit-déjeuner partagé permet à chacun de souffler, de faire connaissance, de poser les premières pierres d’un lien essentiel : celui de la camaraderie.
Le major Laurent le rappelle : « Ces premières semaines vont changer leur vie. Ce sera un moment de transformation, parfois de doutes, mais aussi de découvertes. Il faut être motivé, avoir envie de rentrer dans ce monde, mais c’est un métier dans lequel on peut s’épanouir et trouver sa voie. »
À Montauban, ce matin-là, ils n’étaient plus seulement des jeunes en quête de repères. Ils sont devenus soldats. Dans le silence d’un contrat signé et dans l’humilité d’un départ, s’est esquissé l’engagement d’une génération prête à servir la France.
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