Quatre mois après les bouleversements provoqués par les émeutes urbaines en France, Élisabeth Borne a orchestré une réunion stratégique le 26 octobre à la Sorbonne, rassemblant les maires de la nation. L’objectif principal était la présentation de ses « solutions régaliennes », censées apporter des réponses aux racines des révoltes urbaines qui ont ébranlé le tissu social du pays.
Cependant, Romain Lopez, maire de Moissac, présent à cette réunion, a exprimé une préoccupation majeure. Selon lui, les maires, pourtant massivement représentés dans la salle, ont été négligés. « Il n’y a pas eu de proposition pour faire réévaluer leur autorité. Un manquement dommageable », estime-t-il. Dans un courrier adressé aux parlementaires du département, il a souhaité partager l’expérience d’un maire, « première figure d’autorité identifiée par nos compatriotes et en première ligne pour essuyer les plâtres ». Il met en lumière des mesures à considérer pour renforcer l’impact de leur autorité.
Les maires, en tant que premiers magistrats communaux, disposent d’outils de lutte contre les incivilités, mais selon Romain Lopez, ces outils ne sont pas suffisamment dissuasifs. Il propose ainsi de renforcer le caractère coercitif des dispositifs existants. Cela impliquerait de permettre aux maires d’édicter de nouvelles mesures de responsabilisation et de les soutenir dans leurs efforts pour répondre efficacement aux volets sécuritaires des politiques contractuelles.
Actuellement, les maires disposent d’arrêtés municipaux, de divers protocoles tels que le rappel à l’ordre, le protocole transactionnel, le principe de pollueur-payeur, l’hospitalisation d’office, ou encore le Conseil des Droits et des Devoirs des Familles (CDDF). Cependant, pour Romain Lopez, « tout cela manque de consistance ». Il souligne des carences en matière de sécurité et d’autorité.
Parmi les propositions pour renforcer les outils existants, Romain Lopez préconise l’instauration d’une sanction financière en cas de refus du contrevenant de répondre à la convocation d’un maire pour un rappel à l’ordre. Le rappel à l’ordre « qui pourrait renforcer notre autorité en termes de médiation et d’explication des textes peut avoir l’effet inverse et affaiblir l’autorité lorsque le contrevenant ne se présente pas ». Il insiste sur l’importance de maintenir le lien avec le contrevenant et sa famille avant d’engager des procédures judiciaires. Cette mesure viserait des infractions telles que le dépôt de déchets hors période ou lieu autorisé, l’absentéisme scolaire, ou la dégradation de biens publics.
« Le Conseil des Droits et des Devoirs des Familles doit être réintégré »
De même, concernant le CDDF, une mesure appliquée entre 2010 et 2013 à la suite d’une loi d’Éric Ciotti, Romain Lopez souhaite sa réintégration. Cette loi concernant la suspension des allocations familiales, abrogée en 2013, « revêtait un double caractère : pédagogique et dissuasif ». Le CDDF existe toujours et peut être activé par les maires mais ne dispose que d’un volet de pédagogie et de suivi. « Je souhaiterais le remettre en place à Moissac mais si nous avons des familles qui démontrent une certaine carence éducative ou des enfants déscolarisés, comme cela a été le cas la semaine dernière pour deux jeunes filles de 7 ans déscolarisées et un garçon de 5 ans divaguant dans la rue, je ne peux rien faire » déplore-t-il. Il estime nécessaire de rétablir cette loi et d’élargir son champ d’action pour répondre aux situations de carence éducative avérée.
En vue de responsabiliser davantage les parents, il propose la création d’un protocole transactionnel « Parents Responsables », étendu aux mineurs. Ce protocole impliquerait un travail non rémunéré au profit de la commune pour les parents dont les mineurs de moins de 16 ans contreviennent aux arrêtés municipaux ou dégradent un bien municipal.
Pour renforcer l’application des arrêtés municipaux relatifs à la salubrité et la tranquillité publiques, Romain Lopez préconise l’instauration d’amendes forfaitaires, actuellement non forfaitisées. En effet, l’officier du ministère public (OMP) fixe librement le montant de l’amende, mais peut également choisir de ne pas donner suite ou commuer la sanction financière en un rappel à l’ordre. « Le pouvoir de coercition de l’arrêté du maire peut s’en trouver considérablement affaibli si ces amendes ne sont pas systématiquement appliquées » souligne-t-il.
Dans l’accompagnement des collectivités, il propose d’instaurer une participation minimale de 20% de l’Etat pour l’achat et l’installation de caméras. Moissac dispose actuellement de 36 caméras de vidéosurveillance dont 33 instaurées sous l’ancienne municipalité socialiste. Elles ont un coût mais d’après Romain Lopez, elles sont un « outil indispensable aux forces de sécurité étatiques dans la conduite d’enquêtes ».
Un « France Services » de la sécurité dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV)
Autres mesures, plutôt d’ordre financier, il propose également la création d’un « France services » de la Sécurité dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV), avec une extension du subventionnement partiel à des postes de policiers municipaux détachés dans ces structures labellisées. Dans ce lieu de rencontre entre les citoyens et les services de l’État, s’ajouterait un « service de sécurité de proximité indispensable au lien avec les habitants ». Une initiative qui, selon lui, répondrait à la question des violences urbaines. Par exemple, la Ville de Moissac recevait une dotation de fonctionnement de l’État couvrant 65 % des salaires de ses médiateurs. Dans le cadre de la volonté du gouvernement de renforcer l’efficacité de ces postes par une professionnalisation encadrée par des formations plus structurées, « il serait approprié de permettre aux élus qui aspirent à renforcer l’aspect dissuasif dans les Quartiers Prioritaires de la Ville (QPV) de le faire, au même titre que les maires qui privilégient la médiation ».
La députée Marine Hamelet a déjà exprimé son intérêt pour ces propositions surtout en ce qui concerne le rappel à l’ordre. Elle travaillera avec son groupe RN à l’Assemblée nationale pour donner suite à ces idées pragmatiques. Romain Lopez conclut en mettant en garde contre le désengagement progressif de l’État, soulignant que sans un renforcement du pouvoir des maires, les défis sécuritaires persistants seront difficilement surmontables.