Ils sont arrivés en file, regard curieux, sans vraiment savoir ce qui les attendait. Sur le bord du Tarn, là où l’École des Ponts s’ouvre comme une base d’entraînement à ciel ouvert, les élèves des classes Défense et l’Amicale des anciens du 31e régiment du génie ont découvert, ce mardi matin, un autre visage de l’armée : celui de la technique, du risque maîtrisé et du savoir-faire discret. Entourés des plongeurs de combat, des démineurs EOD, des bâtisseurs ou des spécialistes de l’énergie, ils ont découvert un concentré des capacités d’un régiment engagé, en France comme en opérations extérieures.
Près de 40 jeunes – issus des classes Défense du lycée François-Mitterrand et de la Sainte-Famille à Moissac, ainsi que du collège Flamens de Castelsarrasin – découvrent d’un seul regard la scène qui les attend : véhicules du génie alignés au cordeau, ateliers techniques déjà en place, plongeurs de combat en combinaison… Le 31e régiment du génie (31e RG) a sorti l’artillerie pédagogique pour son traditionnel VIP Day.
Une journée stratégique pour le régiment, qui entend présenter ses capacités, mais également nourrir le lien entre armée, jeunesse et anciens. Car aux côtés des élèves, on retrouve aussi l’Amicale des anciens du 31e RG, venue en nombre. Ici, les générations se croisent, se saluent, se reconnaissent.
Deux groupes, plusieurs mondes à découvrir
À leur arrivée, les élèves sont divisés en deux groupes pour tourner sur les différents ateliers : EOD-démineurs, plongeurs de combat, section travaux sommaires, pont flottant motorisé F2, unité de production d’énergie ou la 973e compagnie au déploiement opérationnel, récemment engagée dans la reconstruction de Mayotte après le passage du cyclone Chido. Chaque atelier propose une immersion directe dans un métier, une mission, un savoir-faire du génie.
Les démineurs EOD : neutraliser, sécuriser, former
Devant une camionette, l’atelier EOD capte rapidement l’attention. Sur une table, des munitions désactivées, des grenades inertes, des charges de RPG-7 ou encore des mines antichars – contenant habituellement 6 à 8 kg d’explosifs – permettent de visualiser les risques auxquels les équipes sont confrontées. Les militaires présentent aussi le robot de neutralisation, une version modernisée dont l’un des anciens du régiment se souvient : « À notre époque, il fallait le descendre sur rampe, il était quatre fois plus gros », sourit Michel.
Les démineurs expliquent les procédures : identification de colis suspects, radioscopie, neutralisation à canon à eau, tenue EOD de 40 kg, déploiements en métropole et en opérations extérieures. Liban, Irak, Mali, Niger… La réalité opérationnelle revient vite dans les discussions. Ils interviennent aussi sur les convois logistiques, exposés aux engins explosifs improvisés (IED), mais également lors d’événements nationaux, comme le Pèlerinage militaire international de Lourdes, où ils assurent la sécurisation des lieux de culte.



Section travaux sommaires : monter dans le cœur des engins
Un peu plus loin, la section travaux sommaires attire les regards. Les élèves montent dans les cabines, découvrent les commandes, posent mille questions. Une pelle, une niveleuse, des engins de terrassement : une petite partie de l’arsenal du génie est là, dans sa version la plus concrète. Les jeunes touchent le matériel, observent. L’attention est entière.





Le pont flottant motorisé : franchir, une mission redevenue stratégique
En bordure de Tarn, l’École des Ponts porte bien son nom. Les militaires y ont déployé un pont flottant motorisé, dont chaque module peut embarquer des véhicules ou des personnels pour franchir un cours d’eau.
La cheffe de section, le capitaine Mikela, explique simplement : « C’est comme un système de Lego : on assemble les modules selon la configuration, on crée la portée nécessaire, puis les propulseurs assurent la manœuvre. » Elle rappelle aussi que le contexte géopolitique actuel – et le constat très concret de la présence de nombreux fleuves et rivières en Europe – a remis au premier plan ces capacités de franchissement.



Production d’énergie : un savoir-faire unique dans l’Armée de terre
Sur le stand de la 971e compagnie de production d’énergie, les jeunes découvrent l’une des spécificités majeures du 31e RG : il s’agit du seul régiment de l’Armée de terre capable de produire et distribuer de l’électricité pour des postes de commandement, hôpitaux de campagne ou bases avancées.
Devant un module générateur, le sergent-chef Lucas détaille : « On part de rien et on alimente jusqu’à l’interrupteur. C’est un travail de mécanicien, d’électricien… en clair, d’électromécanicien. On cherche des jeunes, et les profils en électrotechnique sont très demandés. » Il évoque notamment le déploiement d’urgence en Roumanie, où une centrale complète a été installée en un mois pour accueillir les premières troupes.


Plongeurs de combat : l’exigence à l’état pur
Casques, blocs, respirateurs à circuit fermé, détecteurs de métaux, patch-kits… L’atelier des plongeurs de combat du génie impressionne les élèves comme les anciens.
Le militaire en charge du stand détaille un métier particulièrement sélectif : infiltration, destruction, reconnaissance, travaux sous-marins, interventions pour la gendarmerie lors de recherches sensibles…Ils sont capables d’opérer en eau intérieure, ce qui les distingue des nageurs de combat de la Marine, spécialisés sur les façades maritimes. « On peut porter jusqu’à 80 kg de matériel en configuration de combat maximum. On change d’environnement en permanence, eau, terre, embarcation… C’est le cursus le plus exigeant de l’Armée de Terre hors Force spéciales, avec des risques de blessures constant, mais surtout une cohésion presque fraternelle », explique l’un d’eux.
La polyvalence du métier repose aussi sur la diversité des vecteurs d’infiltration : parachutage, déplacements nautiques de surface, progression subaquatique, grappe, rappel, et bien sûr déplacement terrestre classique, parfois sur plusieurs kilomètres. Le plongeur l’admet sans détour : « Les candidat qui viennent chez nous sont à la recherche de plus d’efforts, plus de risques, se donner plus. Ils viennent chercher ce qui fait suer et saigner. » Les élèves écoutent, parfois avec admiration, parfois avec prudence, mais toujours avec une curiosité intacte.






Les anciens : un lien militaire, humain, presque filial
Jamais loin, les membres de l’Amicale des anciens du 31e RG observent les jeunes. Certains reconnaissent d’anciens camarades devenus colonel. Michel, ancien sous-officier aujourd’hui retraité, confie : « On vient quand on peut. On garde un lien inoxydable, on transmet ce qu’on peut encore transmettre. Le régiment a une âme, on l’a tous ressentie un jour. » Pour lui comme pour beaucoup, revenir ici, c’est mesurer l’évolution du matériel, des méthodes, mais aussi retrouver ce fil invisible qui relie les générations.
« Faire connaître le régiment et connaître notre territoire »
Au détour des ateliers, le colonel Caire, chef de corps du 31e RG, résume l’esprit de la journée : « Cette journée matérialise l’effort de la Nation dans le contexte actuel. Trois classes Défense, c’est une belle réussite. Cet après-midi, ce seront les institutions qui viendront. Il faut se connaître, se rencontrer. C’est essentiel. » Pour lui, le succès est simple : avoir des jeunes sur le terrain, voir l’intérêt dans leurs yeux, donner une image concrète du métier, loin des images figées.
La journée s’est conclue par le baptême de deux véhicules de nouvelle génération, en présence du préfet du Tarn et Garonne Vincent Roberti et du sous-préfet de Castelsarrasin Pierre Bressolles. Le premier, un GRIFFON, a été baptisé « Port Lyautey », en hommage à la ville de création du régiment. Le second, un PFM F2 (pont flottant motorisé), porte le nom de « Capitaine BENTHIEN », officier néerlandais des campagnes napoléoniennes qui s’est illustré lors du franchissement de la Bérézina en maintenant des ponts essentiels à la bataille.


Une journée dense, technique et humaine
À la fin de la matinée, les élèves repartent avec des images, des sons et des récits plein la tête : le poids d’une tenue, la discrétion d’un respirateur, la modularité d’un pont, la puissance d’un groupe électrogène, ou encore la fraternité palpable.
Ce VIP Day du 31e régiment du génie ne se voulait pas une démonstration de force, mais une rencontre : un moment où la technique laisse entrevoir l’engagement, et où l’engagement rappelle ce que signifie, très concrètement, être au service de la Nation.
Un message que les jeunes ont emporté avec eux, peut-être sans tout comprendre encore, mais en ayant touché du doigt l’essentiel : derrière chaque mission, il y a l’engagement de ceux qui font vivre le régiment.
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