Castelsarrasin. Le marché au gras fait de la résistance sous la Halle Occitane

Marché au Gras Castelsarrasin
Ils n’étaient que trois producteurs ce jeudi matin. Trois, pour maintenir debout ce qui fut autrefois une institution du Tarn-et-Garonne. Car autrefois, le marché au gras, on en trouvait à Caussade, Valence, Montech, Montauban… Aujourd’hui, Castelsarrasin fait figure de dernier bastion. Crédit photos JDJ
natura-baies.com

Hier matin, sous la Halle Occitane, ça sentait bon le retour de saison. Pas celle des marrons chauds, mais celle du foie gras et des carcasses bien grasses. À Castelsarrasin, le marché au gras a officiellement rouvert ses portes pour l’hiver, renouant avec une tradition vieille de plusieurs décennies.

Trois stands, un parfum de résistance

Ils n’étaient que trois producteurs ce jeudi matin. Trois, pour maintenir debout ce qui fut autrefois une institution du Tarn-et-Garonne. Car autrefois, le marché au gras, on en trouvait à Caussade, Valence, Montech, Montauban… Aujourd’hui, Castelsarrasin fait figure de dernier bastion. Les autres ont “jeté l’éponge”, comme on dit ici, il y a deux ou trois ans déjà. Mais qu’importe le nombre, l’essentiel est ailleurs : dans la fierté de tenir bon, coûte que coûte.

Sous la halle, le maire Jean-Philippe Béziers est venu saluer les producteurs aux côtés de ses adjoints. Avec cette phrase qu’on sent sincère : « Nous avons la fierté de maintenir cette tradition si chère au Sud-Ouest. Offrir un marché au gras aux producteurs locaux, c’est important. »

Foie gras, patrimoine et grippe aviaire

Pour le maire, ce marché dépasse la simple vente : « Le foie gras, c’est bien plus qu’un produit de fête. C’est un patrimoine gastronomique, la cuisine de nos grands-mères. Une tradition séculaire qui subit aujourd’hui les vicissitudes d’un monde normé. »

Et les producteurs, eux, hochent la tête : la grippe aviaire a encore frappé dans plusieurs départements voisins. Les annonces tombent, l’inquiétude grandit, mais ici, on serre les dents. « On passe entre les mailles, on tient bon, » lâche, un brin fataliste, le maire.

Parce qu’en plus des virus, il faut composer avec les crises de vocation : peu de jeunes reprennent le flambeau. « Bientôt, s’il n’y a plus les anciens, il n’y aura plus de jeunes », glisse une productrice, un peu lasse mais droite derrière son stand.

Un marché qui résiste grâce à la fidélité et l’entraide

Ce marché d’hiver, ouvert jusqu’à la fin mars, connaîtra comme toujours un temps fort à l’approche des fêtes. On y trouve tout ce qui fait le bonheur des tables du Sud-Ouest : foies gras, magrets, carcasses de canard, d’oie, de pintade, de dinde, pâtés, rillettes

Pour soutenir les exposants, la mairie a tenu à récompenser leur fidélité : des bons d’achat ont été remis aux producteurs afin qu’ils puissent consommer dans les commerces locaux. Une manière d’entretenir la flamme.

« Nos producteurs sont dévoués, c’est leur vie, » explique Valentin Jacquet, en charge du marché au gras et des animations. À l’approche des fêtes, le marché devrait d’ailleurs s’étoffer : « on comptera une dizaine de producteurs au plus fort de la saison », précise-t-il.

Raymond et José, les découpeurs du jeudi

Et puis, il y a les figures qu’on ne présente plus : Raymond Delzars et José Bord, les deux “découpeurs officiels” du marché. Depuis respectivement 18 et 25 ans, ils offrent, chaque jeudi, leur savoir-faire aux acheteurs qui n’ont plus la main pour désosser un canard.

« Tant qu’on pourra le faire, on le fera, » dit Raymond, sourire tranquille. « On vient tous les deux des abattoirs. Quand on a pris notre retraite, on s’est dit qu’on allait continuer un peu, bénévolement. C’était la suite logique. »

Le service est offert par la mairie pour les acheteurs, mais une petite pancarte derrière eux en dit long : « Les découpeurs vous remercient pour votre générosité ». Un signe de modestie plus qu’une demande, à l’image de ces deux hommes qui continuent d’aider, simplement, par plaisir. « Aujourd’hui, plus grand monde ne sait découper un canard », soupire José.

Une tradition qui tient grâce à quelques épaules

Sous la halle, les discussions tournent autour du gras, du froid, et de l’avenir. Trois producteurs pour l’ouverture, oui — “mais c’est mieux que rien”. Il y a Madame Ladouce, toujours fidèle, une des plus anciennes. Et cette petite lueur d’espoir : que les fêtes approchantes fassent revenir un peu de monde, et peut-être, quelques jeunes curieux.

Car derrière chaque stand, il y a une histoire, une fierté et une inquiétude. Celle d’un monde rural qui continue de se battre pour exister, entre normes, maladies et indifférence. Mais tant qu’il y aura un coin de halle, une balance, un canard et un sourire, Castelsarrasin aura son marché au gras. Et ça, c’est déjà une victoire.

Pour ne rien manquer de nos prochaines publications, n’hésitez pas à vous abonner à notre page Facebook.

📩 Pour recevoir les articles par E-mail Inscrivez-vous

Article précédentComment les prix littéraires boostent les ventes des libraires
Article suivantMoissac. Le concert de chorales revient à l’église Saint-Benoît pour le Téléthon
Emilie BOTTIN
Rédactrice passionnée bénéficiant d’une expérience en tant que correspondante de presse pour un journal régional bi-hebdomadaire, j'ai développé un amour profond pour la narration locale. Ma mission est de diffuser une information juste, factuelle et sans distorsion. Je crois au pouvoir de la vérité pour renforcer les liens communautaires et inspirer la compréhension. J'aime rencontrer des gens et partager leurs histoires uniques. Chaque individu a une voix précieuse, et je m'efforce de la faire entendre à travers mes articles. Rejoindre le Journal du Jour me permet de continuer à servir ma communauté en offrant un accès gratuit à une information locale de qualité. J'ai hâte de contribuer à un média qui valorise l'engagement et la transparence.