Turco, le bouc, mascotte et mémoire vivante du 31ᵉ régiment du génie

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Turco mascotte 31e RG Castelsarrasin avec Caporal Sarah_JDJ
Le caporal Sarah avec Turco 6, le bouc mascotte du 31ᵉ régiment du génie, héritier d’une tradition centenaire et compagnon du quotidien des sapeurs. JDJ
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Il a traversé les guerres, les continents et les générations. Offert pour le méchoui, sauvé de la broche, Turco est devenu plus qu’un bouc : une mémoire vivante du 31ᵉ régiment du génie de Castelsarrasin. À ses côtés, des soldats veillent, forment, rient et pleurent. Voici son histoire et la leur.

Un bouc sauvé du méchoui devenu symbole militaire

Il n’était qu’un bouc noir, montagnard, venu d’Atlas. Offert en 1920 à Rabat, au moment où le 31ᵉ bataillon du génie s’installe au Maroc, il devait finir rôti dans un méchoui. Mais les sapeurs en ont décidé autrement. Ce cadeau symbolique d’accueil et de force devient leur mascotte. Et depuis ce jour, Turco est bien plus qu’un animal.

Sous la poussière des archives, on retrouve sa trace jusqu’en 1946. Puis, plus rien. Les guerres passent, les hommes aussi. En Indochine, puis en Algérie, il arrive que Turco réapparaisse, vite oublié. Le régiment déménage à Libourne, puis à Castelsarrasin, en 1971. Mais la tradition, elle, reste en sommeil… jusqu’en 2010.

Le retour de Turco en 2010 : une nouvelle ère

C’est là qu’un chef de corps, le colonel Contamin, choisit de réactiver l’esprit du régiment en ramenant la bête. Turco 1 revient dans la liberté la plus totale. Trop, peut-être. Il grimpe sur les voitures pour brouter les feuilles des arbres. Ses successeurs se succèdent, tous différents, tous attachants. Turco 3 se prend au jeu qu’on lui apprend : charger. Un jour, il se cache. Et fonce. « Une belle béquille ! Ça fait un drôle d’effet », rigole aujourd’hui encore le commandant Christian, non sans une douleur dans la voix.

Alors, on encadre, on forme, on transmet. Des enclos, des hectares partagés, des chèvres par cheptel, une rotation pour éviter la consanguinité, un vétérinaire chaque mois, et surtout, des humains qui les aiment. L’armée ne disposant d’aucun budget dédié, ce sont les membres de l’amicale du régiment qui assurent, discrètement, mais fidèlement, les soins vétérinaires de Turco. Aujourd’hui, ils viennent de fermes du Tarn-et-Garonne, mais au début, trouver un bouc entièrement noir n’était pas chose aisée. Alors, ils venaient de Bretagne, Lille…

Le caporal Sarah, au service de la lignée Turco

Aux commandes aujourd’hui, il y a le caporal Sarah. Ce n’était pas prévu. Mais quand le caporal-chef Bouba, son prédécesseur, est parti après 15 ans comme guide, il fallait quelqu’un. « Je ne pensais pas mettre au monde des chevreaux un jour… et encore moins les dresser. » Alors, elle apprend. Elle observe. Elle parle. Elle s’attache.

Turco 5, elle l’a eu à six mois. Elle l’a vu jouer, grandir, venir poser son museau sur les genoux. Il est mort il y a quelques semaines. Elle en parle encore avec cette retenue qu’on apprend en uniforme, mais qui cache une déchirure : « Le perdre, ça a été dur. »

La relève est là. Turco 6 et Turco 7 sont encore jeunes (quatre mois et un an), mais préparés. Une douzaine de chèvres autour d’eux dont cinq petits nés récemment. Et du temps. Beaucoup de temps. Deux heures minimum par jour. La socialisation tous les deux jours. Les sorties. Les gestes appris. Se lever. Saluer. Se tenir calme devant le drapeau.

C’est le caporal-chef Bouba qui avait appris à Turco 3 la révérence. Turco 4, lui, s’est mis debout sur ses pattes arrière lors d’un 14 juillet, face à Emmanuel Macron. L’image reste gravée dans tous les cœurs du régiment.

Des galons, des cornes lustrées et une couverture régimentaire

Turco n’est pas qu’un folklore. Il a des galons. Première classe. Et parfois, il monte en grade, en symbolique, en reconnaissance. Turco 5 devait passer caporal. Il participait aux formations, entourait les jeunes, marchait avec eux. Un soldat, un vrai.

À chaque grande cérémonie — Sainte-Barbe, passation de commandement, défilé — on lui graisse les cornes. On sort sa couverture régimentaire. Une nouvelle est en préparation, après un changement de division au sein du 31ᵉ RG.

Et quand viennent les permissions ? Direction les vacances. Chez le caporal-chef Bouba. Car même en repos, un Turco et ses chèvres ont besoin de présence, d’écoute, de soin. Et d’un œil qui connaît les silences.

Le nom Turco, d’ailleurs, ne date pas de 1920. Il serait né en 1952, en hommage à une mission de la 3e compagnie du 31ᵉ RG, entre le 20 et le 23 avril, visant à détruire des positions rebelles. Nom de code, appel aux forces. Virilité, puissance, détermination. Tout ce que ce bouc représente, sur ses quatre pattes.

Turco ne parle pas, mais il dit tout : l’histoire, la force et la fidélité.

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EBO
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