Il faisait encore frais ce samedi matin à Carcassonne, quand les pèlerins en tenue marron et chapeau à large bord ont traversé la vieille ville. Les passants, intrigués, sortaient leur téléphone. Certains murmuraient : « C’est une reconstitution ? » Pas tout à fait. Ce cortège de 70 femmes et hommes appartenait à la Confrérie Fraternelle des Jacquets de France, réunie pour son chapitre annuel. Et s’il y a bien une chose que ces marcheurs partagent, c’est la conviction que le chemin de Saint-Jacques n’est pas seulement une randonnée… mais une expérience intérieure.
Pas une simple marche, mais une vraie démarche
La confrérie, fondée il y a plus de vingt ans, rassemble celles et ceux qui ont fait, font ou feront le pèlerinage vers Compostelle. Une famille spirituelle, sans étiquette religieuse, mais attachée à ce que le Grand Commandeur, Bernard Lefils, appelle joliment « l’esprit du chemin ».
« Quelle que soit la motivation pour suivre le chemin, on n’en revient pas indemne. On trouve souvent ce qu’on ne venait pas forcément chercher », confie-t-il, un sourire dans la voix.
Ici, pas de prosélytisme. L’association revendique sa neutralité confessionnelle, tout en cultivant le respect des traditions jacquaires, des coquilles Saint-Jacques aux chasubles marron. Le but : prolonger le “Camino”, ce mélange d’effort, de silence et de fraternité qui transforme ceux qui le foulent.
Un chapitre entre patrimoine et partage
Après Avignon, Tours, Dijon ou Montauban, c’est donc Carcassonne qui a accueilli le grand chapitre 2025. Pendant trois jours, les membres venus de toute la France – et même de l’étranger – ont posé leur sac au CIS Lamourelle, un lieu sobre, entouré de verdure, parfait pour les discussions profondes et les soirées de partage.
Au programme : découvertes culturelles, conférences, visites du patrimoine, mais aussi, bien sûr, ces moments de convivialité qui font tout le sel du rassemblement.
« Ici, on parle du chemin autant qu’on le vit », glisse un pèlerin originaire du Tarn-et-Garonne. « C’est fou, on se retrouve parfois sans s’être jamais vus, mais on se comprend tout de suite. »
Le rituel des intronisations avec remise la tenue de pèlerin
Moment fort du chapitre : la cérémonie d’intronisation. Les nouveaux membres, après avoir marché au moins une semaine sur l’un des chemins de Saint-Jacques, reçoivent la tenue de pèlerin et deviennent officiellement “confrères” ou “consœurs”.
Le rituel, à la fois sobre et solennel, marque un passage symbolique. Car rejoindre la Confrérie, c’est un peu prolonger le voyage, mais à plusieurs. « Le chemin, c’est souvent un tête-à-tête avec soi-même », résume un membre. « Ici, on retrouve cette fraternité qui manque parfois au retour. »
Une messe, une bannière et des regards étonnés
Le dimanche matin, la confrérie s’est rendue en cortège à la cathédrale de Carcassonne pour assister à l’office. Bannière en tête, capes sur les épaules, les Jacquets ont défilé sous les regards curieux des fidèles et des touristes. Un instant suspendu, où passé et présent se sont croisés dans la lumière de la nef. Car au fond, c’est cela le message : que le pèlerinage, derrière la marche et la fatigue, reste une aventure profondément humaine.
Prochaine étape : Vézelay
Avant de se séparer, les membres se sont donné rendez-vous pour 2026. Cette fois, direction Vézelay, lieu emblématique du départ vers Compostelle, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO. « Un retour aux sources », glisse Bernard Lefils, déjà tourné vers la suite.
Et d’ici là ? Les Jacquets continueront de marcher, chacun à son rythme, mais toujours dans le même esprit : celui du partage, du dépouillement, et d’une certaine idée du voyage intérieur.
Plus d’infos : www.pelerins-compostelle.org – contact@pelerins-compostelle.org
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